La coopération, clé de l'évolution - et du succès
- Equus insight Coaching
- 21 mars
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 2 avr.
Et si la survie ne dépendait pas de la loi du plus fort ?
Et si l'entraide, la coopération, étaient le vrai moteur de la réussite ?

En 1859, lorsque Charles Darwin publie "L’Origine des espèces", un aristocrate russe du nom de Pierre Alexeïevitch Kropotkine ressent le besoin d’approfondir la question. Il veut observer, sur le terrain, les mécanismes de l’évolution. Réquisitionnant dix cosaques et cinquante chevaux, il se lance dans une expédition à pied en Sibérie, convaincu qu’il y trouvera des exemples frappants de lutte impitoyable pour la survie.
Mais rapidement, il est troublé.
Non par ce qu’il découvre, mais par ce qu’il ne voit pas.
La lutte pour l’existence … un mythe ?
Dans les étendues glacées de l’Asie centrale, il ne trouve pas cette guerre perpétuelle entre individus d’une même espèce, censée être le moteur de l’évolution. Au contraire, ce qu’il observe massivement, c’est l’entraide.
Sur la première page de son livre "L’Entraide" paru en 1902, Kropotkine écrit :
"Malgré mon ardente recherche en ce sens, j’ai échoué à trouver, parmi les animaux appartenant à la même espèce, cette lutte amère pour les moyens d’existence qui était considérée par la plupart des darwinistes (mais pas toujours par Charles Darwin lui-même) comme la caractéristique dominante de la survie, et le facteur principal de l’évolution."
Il comprend alors que la survie ne repose pas sur la compétition, mais sur la coopération, une véritable clé de l'évolution.
Plus encore, il constate que les espèces sociales surpassent en nombre les prédateurs solitaires.
"Sur le grand plateau d’Asie centrale, le nombre de carnivores est dérisoire par rapport à ces réunions d’herbivores sociaux, comptant parfois des centaines de milliers d’individus."
Kropotkine prend alors conscience d’un biais fondamental dans la manière dont on interprète la nature :
"Combien est fausse la vision de ceux qui parlent du monde animal comme si n’y étaient visibles que des lions et des hyènes qui plongent leurs dents saignantes dans la chair de leurs victimes. A ce compte, on pourrait aussi bien imaginer que toute la vie humaine n'est qu'une succession de massacres de guerre."
Il insiste sur le fait que l'entraide n'est pas une exception à la règle, mais bien une loi fondamentale de la nature :
"Tout en admettant pleinement que la force, la rapidité, les couleurs protectrices, la ruse et l'endurance à la faim et au froid, qui sont mentionnées par Charles Darwin et Alfred Russel Wallace, sont autant de qualités qu font de l'individu, ou de l'espèce, le ou la plus apte à la survie dans certaines circonstances, nous soutenons que, en toutes circonstances, la sociabilité est le plus grand avantage dans la lutte pour la vie."
Une leçon pour l’humanité
Ce que Kropotkine observe dans la nature, il le transpose au monde humain. Et là commence son combat.
À l’époque, le darwinisme est déjà détourné par la politique et l’économie pour justifier la loi du plus fort. On l’utilise pour défendre les inégalités sociales, le capitalisme sauvage et la domination des puissants. Kropotkine est troublé par la relation grandissante entre le darwinisme et la sociologie :
"Ils s'efforcent tous de prouver que l'homme, par la supériorité de son intelligence et de ses connaissances, peut atténuer la dureté du combat pour la survie entre les hommes ; mais en même temps, ils reconnaissent tous que la lutte pour les moyens d'existence de tout animal contre tous ses congénères, et de tout homme contre tous les autres homme, est "une loi de la nature"."
Mais Kropotkine refuse ce "darwinisme social" : l’évolution ne favorise pas les plus agressifs, mais ceux qui savent coopérer. Il ne nie pas l’existence de la compétition, notamment entre les espèces, mais contrairement aux darwinistes, il lui dénie son caractère systématique et son rôle central dans l’évolution.
Dans son livre, il décrit avec simplicité des pratiques d’entraide aussi répandues chez nos aïeux que méconnues aujourd’hui. Le travail collectif, la propriété commune des terres et le fait que rien ne pouvait se décider sans l’accord de l’assemblée étaient des caractéristiques partagées par la plupart des sociétés qu’il évoque.
Il se lance alors dans l'activisme social. Ses idées sont toutefois un peu trop révolutionnaires pour son époque et son environnement.
Pendant les cinquante années suivant sa parution, son livre fut rejeté, dans certains cas activement réprimé, par la royauté, les fascistes, les capitalistes et les communistes. Déjà à la fin des années 1800, les observations de Pierre Kropotkine sur le comportement social d'aide mutuelle dans la nature, qu'il a lui-même rédigées dans des essais et des magazines, ont été considérées par certains chefs d'entreprise et dirigeants politiques comme étant "dangereuses".
Alors que certaines de ses découvertes lui ont valu une reconnaissance mondiale en tant que géographe, devenir un tribun anarchiste lui vaudra d'utiliser son intelligence vive et perspicace à trouver comment s'évader de prison. Il continue toutefois à promouvoir ses idées dans toute l'Europe.
Plus d'un siècle après sa sortie, ce livre garde toute sa pertinence, d’un point de vue scientifique mais aussi politique.
Et aujourd’hui ?
Dans notre monde moderne, l’entreprise est devenue un lieu où l’entraide prend tout son sens.
Trop souvent, on pense que la performance découle de la compétition entre individus. Pourtant, les équipes les plus performantes sont celles qui cultivent la coopération, la confiance et la collaboration. Ce n'est pas la course à la performance individuelle, mais bien la force du collectif qui fait la différence.
L’exemple de Jean-François Zobrist, récemment décédé, incarne cette idée avec brio.
🏭 𝐅𝐀𝐕𝐈 : 𝐥'𝐞𝐱𝐞𝐦𝐩𝐥𝐞 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐫𝐞́𝐮𝐬𝐬𝐢𝐭𝐞 𝐩𝐚𝐫 𝐥𝐚 𝐜𝐨𝐨𝐩𝐞́𝐫𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧
Jean-François Zobrist, qui n'a jamais "appris" à manager selon lui, a révolutionné le management en instaurant une confiance absolue dans l’humain :
Plus de hiérarchie rigide ni de contrôle oppressant.
Des équipes autonomes, responsables et innovantes.
Les travailleurs sont des créateurs de valeur, pas des coûts.
Résultat ? Une entreprise qui a surpassé ses concurrents, avec un cash-flow stable à 20-25 % pendant 30 ans, tout en offrant un environnement de travail épanouissant (cf vidéo).
Ce nouveau système managérial appelé "l'entreprise libérée" par le chercheur Isaac Getz, en rupture avec les pratiques traditionnelles, montre que la coopération n'est pas un luxe, mais une véritable nécessité pour l’innovation et la performance à long terme.
La coopération : une nécessité pour durer
La question que nous devrions tous nous poser aujourd’hui est : comment repenser notre manière de travailler ?
Kropotkine, en son temps, a montré que l’évolution humaine pouvait se nourrir de la coopération et de l’entraide. Il prouvait que des formes d’organisation basées sur l’entraide et l’autogestion sont non seulement possibles, mais aussi efficaces.
Dans un monde en perpétuelle évolution, ceux qui savent s’adapter, collaborer et se soutenir mutuellement auront toujours une longueur d’avance. L’entreprise libérée, comme celle que Zobrist a créée, en est un exemple vivant.
Et vous, êtes-vous prêt à construire votre avenir sur l’entraide et la collaboration ?
Martine Clerc
Mars 2025
Références :
"L'Entraide, facteur d'évolution" de Pierre Kropotkine, éditions Aden
"Pour un leadership socialement intelligent" de Linda Kohanov, éditions Le Courrier du Livre
Reporterre : https://reporterre.net/La-cooperation-fait-plus-pour-l-evolution-que-la-competition
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